Tu seras un homme

« J’avais vingt ans et je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » disait Paul Nizan. Grandir, c’est se confronter au monde, à sa dureté, aux frustrations qu’il engendre. C’est renoncer au fantasme enfantin de la toute-puissance capricieuse à qui rien ni personne ne résiste. Devenir adulte implique d’accepter une cruelle blessure d’orgueil.  C’est une quête, souvent pensée comme une érection, une échelle à gravir, avec tous les symboles phalliques que l’on peut y associer.

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C’est cette recherche qu’effectue Edouard Bertrand dans son travail, empreint de tous les codes de l’enfance mais qui semble déjà tendre vers l’âge adulte. Il croque au crayon de couleur des portraits d’adolescents ou de trisomiques, dont la personnalité est soit en construction, soit difficile à cerner. Ses candides dessins, souillés de tâches de peinture ou de liquide séminal, font écho aux maquettes qu’il construit, géographies imaginaires ou petites maisons rouges qui semblent toutes droit sorties d’un jeu de Monopoly. En plongeant ses slips dans de la peinture dorée, on pourrait croire qu’il fait une mauvaise blague à la maîtresse, mais le geste est en fait plus précieux et ironique encore, et de ses sous-vêtements, il fait des plafonds byzantins en les recouvrant de feuilles d’or. Cette pirouette est encore une façon d’explorer son identité d’homme, tout en rappelant ses références artistiques.

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A la façon d’un blog (!!!), son travail est présenté comme une biographie ou un roman d’apprentissage dont on aurait perdu des chapitres. Pièce par pièce, il trace l’histoire de sa personnalité en construction. Sans autre prétention que de nous exposer qui il est, et de le faire avec plaisir – celui de dessiner – il veut tout montrer. On pourrait lui reprocher d’être trop littéral, trop explicite, mais son travail est fort justement parce qu’il est intelligible. Sans chercher à obscurcir son propos, Edouard Bertrand tente d’être au monde, avec son caractère de touche-à-tout, bien loin d’une pratique aristocratique qui refuserait le contact avec le spectateur. Et il n’en est que plus percutant.

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